EMPLOI, INSERTION : Comment construire un réseau d’entreprises engagées en faveur de l’emploi ?


EMPLOI, INSERTION : Comment construire un réseau d’entreprises engagées en faveur de l’emploi ?

(JPG) « En France, près de deux millions de foyers sont bénéficiaires du RSA. Pour dynamiser le retour à l’emploi des personnes qui en sont le plus éloignées, les Conseils départementaux, les collectivités et les Plans Locaux pour l’Insertion et l’Emploi (PLIE), font montre d’initiatives et mettent en œuvre des politiques territoriales où les entreprises jouent désormais un rôle primordial. ».

En l’espace d’une décennie, le montant des minimas sociaux a pratiquement doublé en France, en grande partie à la charge des Départements à travers le Revenu de solidarité active (RSA). Cette inflation de dépenses pèse lourdement sur les Départements qui contribuent à hauteur de 40% au financement du RSA. Pour que ces dépenses sociales soient efficientes et répondent à l’objectif d’insertion dans l’emploi qui leur est imparti, les élus départementaux et locaux préconisent des « stratégies tournées vers les entreprises et construites avec elles ».

Lors du 86ème congrès des Départements de France, un rapport sur « l’avenir des politiques sociales des départements » de Frédéric Bierry, président de la commission Solidarité et Affaires sociales de l’ADF, évoquait l’insertion professionnelle des demandeurs d’emploi allocataires du RSA. « Il s’agit de travailler sur 3 plans : la recherche d’opportunités professionnelles pour les allocataires auprès des entreprises du territoire, la préparation à l’emploi de l’allocataire et la mise en relation avec une opportunité d’emploi adaptée à son profil et l’accompagnement du retour à l’emploi et de l’intégration dans l’entreprise ». Une stratégie qui représente, certes, un investissement mais aussi et surtout, à terme, une économie structurelle pour les finances départementales.


LA NECESSITE D’UN ACCOMPAGNEMENT SUR MESURE

Pour ce faire, le rapport sur « l’avenir des politiques sociales des départements » souligne, par ailleurs, que « le travail à toutes les étapes, de la conception à la mise en œuvre, avec les entreprises et les partenaires est essentiel pour s’inscrire dans une démarche partagée et adaptée. Tout demandeur d’emploi doit bénéficier d’un accompagnement et avoir une seule personne référente qui assure son suivi et gère son parcours de l’entrée à la sortie : une personne accompagnée dispose davantage d’opportunités pour trouver une issue à sa période d’inactivité.

A contrario, une personne non accompagnée peut légitimement se considérer comme laissée pour compte ou penser être autonome et basculer rapidement dans le chômage de longue durée. Les accompagnements vers l’emploi doivent être agiles et intensifs et déclinés en fonction des capacités et du projet professionnel du demandeur d’emploi et en fonction du marché de l’emploi sur la zone de mobilité de la personne. Ils doivent permettre de mobiliser, à la carte, les outils dont a besoin le demandeur d’emploi pour concrétiser son projet. Cet accompagnement doit donc être modulable et adapté à la personne pour être pleinement efficace », précise son rapporteur, Frédéric Bierry.

Parmi les outils à disposition des exécutifs départementaux figure en premier lieu les Programmes départementaux d’insertion (PDI) qui définissent les politiques départementales d’accompagnement social et professionnel, recensent les besoins et l’offre d’insertion locale et planifient les actions et dispositifs correspondants. Les PDI se déclinent ensuite à travers les Pactes Territoriaux d’Insertion (PTI) qui visent à mieux coordonner l’action des différents partenaires en charge de l’insertion au niveau local, au plus près des territoires. Les Plans Locaux pour l’Insertion et l’Emploi (PLIE) jouent localement également un rôle essentiel pour optimiser l’accès à l’emploi des publics en insertion.


CRÉER UN RÉSEAU D’ENTREPRISES ENGAGEES

Pour se rapprocher des entreprises qui recrutent dans les secteurs les plus en tension et valoriser localement le potentiel de compétences que représentent les bénéficiaires du RSA, nombre de Conseils départementaux, de collectivités et de PLIE ont déployé un dispositif innovant qui cible le parrainage des chercheurs d’emploi par les chefs d’entreprises locaux et les cadres. « L’objectif, pour le département, est triple : impliquer les chefs d’entreprise locaux dans l’élaboration de parcours vers l’emploi durable. Créer, tant au niveau de chaque bassin d’emploi qu’au niveau départemental, un réseau d’entreprises engagées dans les politiques d’insertion et de développement local mises en œuvre par le Département. Et articuler, le monde du social et celui de l’entreprise à travers un partenariat étroit entre les acteurs publics de l’emploi et de l’insertion et ceux du secteur économique » souligne Catherine Dorléans-Enguehard, chef du service insertion du Département. « Cap-parrainage permet aux personnes parrainées de bénéficier des techniques de recherche d’emploi du parrain, de son expérience du recrutement mais également de sa connaissance du monde de l’entreprise, des réalités et des exigences du monde du travail. Au sein de notre agglomération, cette dynamique permet au chercheur d’emploi de se conforter, ou non, dans son projet professionnel et de mettre en place un parcours afin d’atteindre son objectif de retour à l’emploi ou de formation. Chaque chercheur d’emploi parrainé se sent soutenu, épaulé et aiguillé dans ses démarches, ceci conjointement par le parrain et son conseiller emploi. » témoigne Dany HOARE, Directrice Vie des Quartiers, Politique de la Ville et Emploi du Territoire.


UNE MÉTHODE D’ACTION ÉPROUVÉE

Pour éviter de créer de nouvelles structures qui ajouteraient à la complexité, les Départements, les collectivités et les PLIE font appel au réseau national Cap-parrainage, qui déploie une méthode d’action reconnue et éprouvée sur de nombreux territoires. Depuis plus vingt ans, en effet, Cap-parrainage accompagne les collectivités territoriales et les acteurs de l’emploi, de l’insertion, de la formation et de l’orientation dans la constitution de réseaux locaux et départementaux d’entreprises. Ce réseau d’envergure nationale mobilise sur l’ensemble du territoire plus de 1.200 entreprises engagées et quelque 2.800 parrains en activité, exclusivement des dirigeants ou des cadres des ressources humaines.

Le principe est simple : à raison de deux rencontres par mois d’une durée moyenne d’une heure, pendant six mois, les représentants des entreprises engagées réalisent un véritable coaching individualisé de chaque chercheur d’emploi. L’expérience professionnelle de ces parrains, leur parfaite connaissance des réalités des secteurs d’activité où ils évoluent et des métiers qui y sont exercés, leur usage des méthodes de recrutement, leur imbrication dans le tissu économique local en font des conseillers à nul autre égal. Ils donnent aux publics éloignés de l’emploi, jeunes ou adultes, orientés par les référents insertion emploi des Département, des PLIE, de Pôle emploi, des missions locales et des structures d’insertion par l’activité économique, les clés nécessaires pour répondre aux attentes des recruteurs et, in fine, retrouver le chemin de l’emploi. « L’idée d’un accompagnement personnel, dans lequel on est une femme ou un homme les yeux dans les yeux avec une autre femme ou un autre homme, avec son expérience, avec sa connaissance du milieu professionnel, avec la connaissance des difficultés de la vie économique, du temps, est précieuse. Au fond, c’est cela le plus intéressant et le plus efficace au sein du réseau Cap-parrainage. Il ne s’agit pas d’organisation, il ne s’agit pas d’administration, il ne s’agit pas d’action publique au sens habituel du terme. Il s’agit de prendre en compte les personnes à qui on peut rendre service. » précise François BAYROU, Maire de Pau, Président de la Communauté d’Agglomération Pau Béarn Pyrénées.

Pour convaincre et engager des entreprises prêtes à s’investir dans ce partenariat et susceptibles de mobiliser des parrains en leur sein, un travail de prospection préalable est évidemment indispensable. Après avoir identifié toutes les entreprises à mobiliser et privilégié celles qui recrutent dans les secteurs en tension, Cap-parrainage rencontre systématiquement chacun de ses dirigeants, dans un double objectif. Les convaincre de mobiliser au sein de leur entreprise des parrains pour accompagner les publics en insertion et rejoindre le club d’entreprises partenaires de l’emploi constitué localement.

Cette mobilisation s’adapte au regard de la typologie des entreprises implantées sur chaque territoire. Ainsi, de grands groupes tels que Suez ou Transdev se sont respectivement engagés à mobiliser 3 ou 4 parrains et à parrainer 3 ou 4 chercheurs d’emploi. Filiale du groupe Bigard qui emploie plus de 13 000 personnes en France, la société Socopa, unité d’abattage et de transformation, compte 520 salariés, fait également partie des entreprises engagées au sein du réseau Cap-parrainage. « Cette initiative locale pour l’emploi est à l’image de notre politique RH. C’est pourquoi nous souhaitons accompagner des chercheurs d’emploi pour leur faire bénéficier de notre expérience, valoriser leurs compétences et ainsi contribuer localement à leur intégration dans la vie économique », souligne Aurélien Jacquet, responsable RH. Le groupe SEB s’est également mobilisé. « Notre entreprise a souhaité rejoindre le réseau Cap-parrainage afin d’accompagner le département dans ses initiatives pour favoriser la réinsertion des chercheurs d’emploi tout en mettant à contribution les compétences de notre collaborateurs », indique Léa Phliponeau, la responsable RH. Employant près de mille salariés, le fabricant de câbles et de fibres optiques, Acome a logiquement rejoint le réseau local d’entreprises engagées dans l’opération Cap-parrainage. « Acome a toujours été sensible à la question de l’emploi dans une logique d’engagement de long terme et de transmission des compétences entre les générations », rappelle Philippe Garnavault, son DRH.

Parallèlement, un grand nombre d’entreprises familiales, de PME et même de TPE sont aussi investies. Saint James, a rejoint le réseau d’entreprises. « Nous sommes régulièrement à la recherche de candidats qualifiés ou non, ce qui est parfois difficile sur notre secteur où le taux de chômage est l’un des plus faible en France. Néanmoins, nous n’ignorons rien des difficultés que certains chercheurs d’emploi peuvent rencontrer », explique Patrick Guinebault, directeur général de l’entreprise, qui emploie 280 personnes.

Mais les TPE sont également présentes. La menuiserie Gouelle (50 salariés) ou l’entreprise de services d’aide à la personne Adhap Services (20 salariés) ont mobilisé, quant à elles, un parrain en interne afin d’accompagner un ou plusieurs chercheurs d’emploi. Chacune des entreprises mobilisées a concrétisé et formalisé son engagement par la signature d’une lettre d’engagement et d’une convention de partenariat, comportant des objectifs chiffrés quant au nombre de parrains mobilisés et de chercheurs d’emploi accompagnés chaque année. « Ce partenariat, nouveau pour notre département, a suscité une forte adhésion des entreprises qui ont souhaité s’inscrire sans attendre dans cette démarche volontaire et collective pour l’emploi et l’insertion. Quelle que soit leur taille, elles ont nettement fait part de leur dimension sociale, qui prend toute sa place dans ce dispositif », se félicite sa vice-présidente à l’insertion.


UN PARTENARIAT PUBLIC-PRIVE UNIQUE EN SON GENRE

Au sein du réseau Cap-parrainage, l’ensemble des entreprises mobilisées sont réunies au sein de Comités d’Actions et de Propositions animés par les Départements, les collectivités locales ou les PLIE. Ces clubs d’entreprises constitués au plus près des territoires s’inscrivent parfaitement dans la logique des Pactes territoriaux ou locaux d’insertion... Au regard des besoins en terme de recrutement et de formation exprimés par les chefs d’entreprises, ces réseaux d’acteurs engagés contribuent à terme à la mise en œuvre et au développement d’une Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences à l’échelle des territoires. Chef du service insertion, Catherine Dorléans-Enguehard entrevoit clairement les effets induits de cet engagement multi-partenarial : « A titre d’exemple, la mise en place de parcours d’immersion et d’insertion au sein même des entreprises peut susciter des vocations et accélérer le retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA, par le biais de contrats aidés notamment ».

Sur chacun des bassins d’emplois, Cap-parrainage formalise l’engagement de ces réseaux d’entreprises nouvellement constitués autour de l’insertion des publics éloignés de l’emploi, par une convention de partenariat avec l’ensemble des prescripteurs de l’emploi et de l’insertion : Départements, Pôle emploi, PLIE, missions locales et acteurs de l’Insertion par l’Activité Economique. Chacune de ces conventions prend en compte les particularités locales de chacun des bassins et scelle ce partenariat public-privé unique en son genre.


UN ACTEUR CLÉ : L’ANIMATEUR DE RÉSEAU

La logique de déploiement des réseaux Cap-parrainage est de permettre aux collectivités (régions, départements, métropoles, agglomération, communautés de communes) et aux acteurs publics de l’emploi et de l’orientation de s’approprier, de piloter et d’animer en propre ces réseaux d’entreprises constitués au plus près des territoires. C’est dans cet esprit que certains départements ou PLIE, en fonction de leur organisation territoriale, s’appuient sur leurs référents insertion ou leur chargés de relations entreprises afin d’enrichir leur mission. « Notre rôle est central, afin de développer et faire vivre ce réseau », estime la référente insertion-emploi et animatrice de Cap-parrainage qui plébiscite la plus-value de cet accompagnement pour les bénéficiaires du RSA. « Volontariat, mobilisation, engagement, revalorisation et bienveillance sont les principaux qualificatifs du parrainage ».

« Sur le plan professionnel, le premier chantier mis en œuvre pour les parrainés est un travail de fond sur leur CV afin de rendre leur candidature pertinente. Dans 95% des situations, les chercheurs d’emploi ayant pourtant un passé professionnel riche, bien rempli, ne savent pas ou n’osent pas mettre en avant leurs compétences. C’est sur ce point essentiel que les parrains accompagnent sans retenue. Les ateliers CV ne leur ont le plus souvent pas été profitables...

Cependant la pertinence des conseils des entreprises fait mouche pour valoriser les profils. Ces entretiens personnalisés avec des chefs d’entreprise permettent aux parrainés de retrouver de l’assurance et la confiance établie avec le parrain les sécurise dans leurs recherche d’emploi. La plus-value du parrainage est réelle pour les publics accompagnés par le PLIE : dernièrement un chercheur d’emploi parrainé a su se remettre en question grâce aux échanges francs avec sa marraine. Une réflexion personnelle l’a donc amené à envisager la création de micro-entreprise.

Une autre parrainé a pu mener à bien son projet grâce au parrainage et a intégré une formation qualifiante. Un autre chercheur d’emploi réalise actuellement une période d’immersion dans l’entreprise du parrain qui sera suivie d’un contrat. Un autre candidat au parrainage relève l’aide précieuse et le soutien que lui apporte sa marraine dans son repérage des offres d’emploi correspondant à son profil. Un dernier vient d’intégrer des missions d’intérim lui permettant de mettre le pied à l’étrier afin de disposer de l’expérience nécessaire pour l’obtention d’un contrat durable. » précise l’animatrice Cap-parrainage.

L’autre aspect déterminant de la méthodologie consiste à accompagner et former ces futurs animateurs de réseau. Dans cette logique, chacun d’entre eux est associé aux rendez-vous avec les chefs d’entreprise. L’objectif : s’approprier dès le départ le réseau d’entrepreneurs mobilisés, intégrer la méthodologie de Cap-parrainage et prendre la pleine mesure des problématiques et caractéristiques propres à chaque entreprise en matière de recrutement et de formation. Alain Lefebvre, vice-président de l’insertion en témoigne, « Le réseau Cap-parrainage consiste à faciliter l’accès ou le maintien dans l’emploi des personnes rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle en les faisant accompagner par des personnes bénévoles ayant la confiance et la connaissance des employeurs. Cette dynamique est un moyen complémentaire parmi les mesures d’insertion professionnelle et d’accès à l’emploi. Le réseau national Cap-parrainage nous a permis d’accompagner les services du Département dans la mise en place d’un dispositif de parrainage et ce dans une logique d’appropriation et de pérennisation dans le temps. Cet accompagnement nous a permis, d’une part, l’appropriation interne par les services du Département de la méthode et des outils en vue d’en faire une démarche départementale d’insertion professionnelle pour les bénéficiaires du RSA et les jeunes. D’autre part, la constitution et l’animation d’un réseau d’entreprises, non seulement susceptibles de mobiliser des parrains, mais aussi de s’inscrire comme acteurs locaux solidaires de la démarche du Département en faveur de l’insertion et de l’emploi. »

« Nos professionnels de l’insertion en charge de l’animation d parrainage au sein du Département ont un rôle très opérationnel d’accompagnement des publics, de mise en place et de développement des clauses d’insertion, de déploiement des politiques territoriales d’insertion et d’animation du réseau des acteurs d’insertion par l’activité économique. Pour renforcer leur légitimité sur les territoires, il était essentiel que nos référents insertion emploi disposent d’un réseau formalisé d’entreprises engagées et mobilisables au profit des publics éloignés de l’emploi », précise également Perrine Courbaron, la directrice de l’insertion du département.

Tout au long de l’action, les réseaux ainsi constitués sur les territoires sont l’objet de toutes les attentions. Les parrains, eux aussi, bénéficient d’un coaching individualisé et collectif. Guide du parrain, carnet de bord du parrainé, ainsi qu’un extranet dédié au parrainage, permettent une mobilisation durable des futurs parrains et parrainés. Ces outils de suivi et cette véritable plate-forme collaborative de travail entre les animateurs du parrainage, les parrains et l’ensemble des prescripteurs assurent ainsi la continuité du dispositif et son développement. Le dispositif est, au final, suivi et évalué en permanence afin qu’il concourt le plus efficacement possible à l’insertion et à la qualification des publics en recherche d’emploi.

Retour